Retour à la Garçonnière.






Froid. Anniversaire(s). Billets de train. Gants. Listes. Rouge à lèvres. Cigarette. Manteaux. Lectures. Plaid. Froid. Cigarette. Chansons. Câlins. Rouge aux joues. Écharpe. Cheveux courts. Films. Tricotera, tricotera pas. Paris. Pluie. Stage. Fin. Mots. Mots. Mots. Anaïs Nin. Cigarette. Correspondances. Cigarette. Thé. Déménagement. Retour. Quitter Paris.

Attente.
Viens l'hiver.

Virgule et autres histoires.




Il y a Virgule, le chat atrophié d’une patte qui boitille sur le chemin de l’école tout les matins, d'aussi loin qu'elle se souvienne. Et puis il y a Suspension, l’oiseau parlant qui remue dans sa cage, et puis Exclamation, le chien qui aboie sans cesse.  Et au milieu de tout ça, spectatrice amusée de tout ce vacarme assourdissant de grammaire, il y a Amélie. Amélie Point et sa passion des mots de liaisons et des éléments de ponctuations. Les noms qu’elle donne au gens, ce sont des noms qu’elle a attendu pour dire. Elle les a ruminés dans sa tête. Virgule, c’est à cause de sa patte avant gauche : elle lui manque, comme le souffle quand on lit une phrase trop longue: c’est pour ça qu’on ponctue. Virgule, reprenez votre souffle, on continue. Exclamation n’aboie que quand elle passe au second palier, en montant, souvent, mais parfois lorsqu’elle descend les poubelles. Elle l’entend gratter la porte de l’appartement en hurlant à la mort. Exclamation, vous dis-je. Ne reste que Suspension. Elle vit seule avec Virgule le chat-à-trois-pattes et Suspension-l-oiseau-parlant qui ne sait dire qu'«Amélie Point». Évidemment, jamais les deux mots en même temps. On ne sait jamais à quel moment il va dire l’un ou l’autre. Lorsqu’Amélie est au téléphone. "J’ai décidé que c’était comme ça", l'oiseau ajoute :"Point" ? Ou lorsqu’elle dit son nom: "Je suis mademoiselle Point". "Amélie" ?

D’ailleurs, Amélie a du mal à s’adapter à Suspension, tout comme il ne semble que tolérer la jeune fille. Il refuse qu’elle le touche, sans quoi il mordille son index droit. Jamais un autre. Et c’est toujours là qu’Amélie s’exclame "Sac à plume et vers à soie !"

Il fait nuit à dix-huit heures depuis deux jours.


18h, c'est la nuit. La nuit partout. Qui se cogne à mes envies. Il n'y a plus d'ennuis dans cette vie.
Deux mois que je suis installée à Paris. Ou plutôt que j'erre à Paris. Que je m'installe à Paris. Que je connais les stations de métros qui vont de mon endroit temporaire à mon travail temporaire. Mes pas me mènent tous les jours vers le travail, mais me ramènent le soir où j'ai posé mes valises. Mes valises que je n'ai pas défaites. J'ai perdu l'habitude de parler de l'aimant. Je parle de l'ami, parfois. Plus jamais de l'amant. De temps en temps, il m'arrive quelque chose d’extraordinaire : je traverse une rue et trouve un endroit qu'on aurait aimé. J'écris un article dont je suis fière, j'aimerais lui envoyer. Et puis je me retiens. Nous ne sommes plus.  J'apprécie l'endroit pour moi, j'y retournerai, j'apprécierai autant. Je me félicite d'apprécier mon travail, de ne pas vraiment avoir besoin de son approbation.  Je l'ai serré dans mes bras sur un quai de gare, il y deux mois. J'ai mis mon nez dans son cou, et j'ai embrassé sa joue. J'ai dévoré ses yeux moqueurs, j'ai dévoré son sourire, et cette étreinte. Trois minutes sur un quai de gare et j'ai grimpé dans ce train qui m'emmenait.  Mon adieu personnel à l'amireux était très réussi. Je n'aurais pas pu demander mieux. J'avais écrit un adieu similaire. Un court-métrage, il y a six ans déjà. Elle s’appelait Alice et il s’appelait Etienne.

Depuis que je suis partie en Suisse pour le petit départ avant le grand, je vis dans mes valises. Deux énormes paquetages. C'est dérangeant de se dire que rien de ce que j'ai laissé derrière me manque. Tout ce dont j'ai besoin est là. Les photos regroupées sur un ordinateur qui s'épuise de conserver des souvenirs à ma place. Les messages de la vie d'avant dans un téléphone auquel je ne prends plus le temps de vraiment répondre. Et les mots qui valsent et dansent dans ma tête à longueur de journée. Je travaille. Beaucoup. Je me noie dans cet amoncellement de mots qu'on me demande d'écrire et qui ne parlent pas de moi ni de la vie d'avant. J'ai rencontré des gens. Un garçon, surtout. Un comme je n'en rencontrerai plus, parce que c'était lui. Parce que c'était nous. Et que c'était là. Sans doute qu'ailleurs, ça ne marchait pas. Je ne le reverrai plus avant l'été prochain. Et à ce moment là, nous serons déjà tellement différents.

Maintenant, je descends quatre étages de ce minuscule appartement où j'ai réfugié mes espoirs et je prends un velo. Je roule et roule et roule jusqu'à ce que je n'en puisse plus de recevoir Paris dans les yeux et le cœur toute la journée. J'aime cette nouvelle vie. Je regrette parfois celle d'avant. D'avant il y a deux mois. Mais dans deux mois : je n'y penserai plus. 

J'emballe la Garçonnière.

J'emballe la Garçonnière. Cet endroit. Cet appartement. Ces pièces qui m'ont vues vivre. Je n'ose pas finir les cartons. Je les remplis et les vide, juste pour vérifier que j'ai posé la les bonnes choses. 

J'emballe l'amant, j'emballe l'aimant, celui que je n'ai jamais aimé et celui qui ne m'aimera jamais. J'emballe les engueulades et les fous rires, les chamailleries d'enfants, les maladies et les plaids. J'emballe les anniversaires, les cadeaux, la tiare, les verres de vin, les chansons et les films. J'emballe les histoires, les jolies histoires, les amireuses histoires et les jolis souvenirs. Je jette des choses. Des choses que j'aime, des choses que je voudrais pouvoir garder, dans un coin, comme un secret. Pouvoir ouvrir une petite boîte et y trouver les souvenirs nostalgiques. Les lettres, celles que j'ai reçues et celles que je n'ai jamais envoyé. Les mots. Les bouts de papiers griffonnés à la va-vite. J'emballe la colocation, la tendre cohabitation et mon célibat. Je jette des choses. Beaucoup de choses. Elles me manqueront, comme tout me manque toujours. Mais je finirai par passer à autre chose. Une chose sans amants, ni être aimé. Un autre appartement, une autre ville et un autre nom pour cet endroit.

Je n'ai pas encore de nom, pour cet endroit. Mais j'emballe la Garçonnière, et la laisse derrière moi.



©.Pinterest. 


La Jalouse. 

Le choix.

Ma tête bouillonne, un peu : je sens que le temps s'échappe et glisse et file sous mes doigts, que je ne contrôle plus rien, plus du tout, plus du tout et qu'il y a un peu d'angoisse panique dans ma volonté de remonter l'aiguille de quelque heures, quelque jours, quelque semaines. Donner du répit à mon cœur, à ce déménagement qui m'attend, à cette ville qui bouillonne autant que le sang dans mon corps. Il ne me reste que quelque heures dans cette ville, que quelque heures avant le départ, le petit départ, avant le grand.
La Suisse attend ma venue, et avec elle, c'est tout mon espoir qui attend un renouveau, un moyen de repartir à zéro, quelqu'un, quelque chose, et qui désespère, aussi, d'un signe, un geste, un regard, un mot.

Il fait très chaud aujourd'hui, et ma valise est bouclée. Il y a pleins de poches, dans cette valise. Ce paquetage. Putain, putain, putain, est-ce que c'est possible de tout arrêter, de changer les décisions et de raisonner la déraison ? Dans les poches j'ai mis les sous-vêtements et les livres des envies. Des livres qui parlent de tout sauf d'amour impossible et de passion déraisonnables. On s'est aimé si fort, si fort, trop fort. Je ne peux pas lire des mots que j'aurais pu écrire, des sentiments qui me donnent envie d'hurler et de taper contre les murs. Je crois qu'on s'est aimé pour une vie entière en quelque années. Je l'ai haï pour une vie entière, aussi. Il y a des miettes de pain sur la table et une bouteille d'eau posée à côté de la valise. Je me sens tellement démunie : ma vie se résume à cette valise. Je me sens comme une autre personne. Je laisse quelqu'un derrière moi, dans mes meubles, dans mon lit, dans ma vaisselle, avec mon chat et l'amour de lui. Et c'est quelqu'un d'autre qui n'est pas encore tout à fait moi, quelqu'un que je ne connais pas encore très bien, que je n'ai pas apprivoisé, que je n'ai pas encore découvert qui va partir loin de cette ville, de cette vie, et de l'amour de lui. Je m'attaches rarement les cheveux, en ce moment. J'aime les sentir sur mes épaules. Ils n'avaient pas été si longs depuis les trois dernières années. Après la Suisse, je les couperai, un tout petit peu. Je fermerai les yeux quand les ciseaux heurteront mes mèches brunes. Je dirai ensuite que c'est trop court et que je préférais encore les garder longs. Je ne suis jamais d'accord avec moi-même.
Après la Suisse, je finirai les cartons, et je déménagerai dans cette ville qui m'a donné ma chance. Dans cette capitale de France, de cœur, d'âme. Dans cette ville d’espérance. Le journalisme me tend les bras. Et je m'y jette dedans avec envie. Avec envie et impatience. Je ne suis toujours pas d'accord avec moi-même.  Hier, j'ai pleuré ces gens qui font ma vie depuis deux ans. J'ai raconté des choses à voix basses au téléphone. Putain, putain, putain. Comme si je pouvais réveiller quelqu'un dans ce grand appartement presque vide. Il y a Satie dans mon cerveau qui tourne, comme une bande sonore à un film que je n'ai pas encore tourné.


Je l'appellerai "Le départ", si je voulais rester dans ce passé absurde. Mais c'est "Le choix".

Le théorème du "Je t'aime".



Je suis jalouse, et c'est bien banal, après tout, de ces filles qui savent être en couple.
Qui "savent". Comme si c'était une classe à laquelle j'avait échoué au lycée et qu'on m'avait dit : "Pardon, mademoiselle, vous êtes recalée en "vie de couple", vous ne comprenez ni la notion ni l'application du théorème du je t'aime".


Parce que moi, je ne sais pas être en couple. Je n'ai pas appris, et je ne sais toujours pas. Ce besoin, impérieux, d'établir une relation de couple, est donc venu avec le temps, avec Lui. Quand j'ai compris qu'être en couple, ce n'est pas simplement se tenir la main. Je n'aime pas tenir les mains des gens, de toute manière : c'est moite, c'est sale, c'est pas du tout mignon, quoi qu'on en dise. C'est juste, au même titre que les suçons, une pancarte "c'estàmoi" en néon multicolore. Mais lentement (parce que je vais souvent à reculons) j'ai appris à être câline, chose très peu naturelle chez moi. Je n'ai jamais sauté de joie dans les bras de quelqu'un. Par contre, j'aime ce bisou timide et maladroit posé sur une joue en remerciement, ou en signe d'affection. Je trouve ça attendrissant, quelqu'un de maladroit (surement parce que j'ose espérer qu'on me trouve, parfois, attendrissante). J'ai appris à apprécier ces silences quand on lit un livre, sur le canapé, et qu'on joue avec nos pieds sans vraiment y penser, avec un demi-sourire. Aller acheter des cadeaux de Noël ensembles. Échanger des cadeaux d'anniversaires. Se présenter des amis. Se disputer. Se reconquérir. Se réconcilier plus souvent qu'il ne faudrait. L'attente. L'impatience. Le manque. Les week-ends sous un plaid. Les "c'est un peu chez toi ici", qu'il dit et auquel on ne croit qu'à moitié et surtout, le très douloureux "on est amireux", qui confirme la prudence. Amis et amoureux. Mais surtout amis, si quelqu'un venait à demander.

Je suis passée par tous les stades du déni. Jusqu'à la renonciation. Douloureuse, elle aussi, mais nécessaire.

Je suis bouleversée par ces instants de complicités qui disparaissent si rapidement. Parce que du jour au lendemain, je n'ai plus rien eu. Et je jalouse ces filles qui savent être en couple. Chez qui c'est inné. Qui n'ont aucun problème à tomber amoureuse. Qui savent dire je t'aime sans calculer la moindre réaction possible, et qui ne restent jamais très longtemps célibataires. Je les jalouse, mais en même temps... je caresse avec tendresse et bienveillance l'amireuse relation que j'ai partagé fut un temps. Ce sera comme une jolie introduction à ma vie d'amoureuse.

J'aurais aimé qu'il m'apprenne, ceci-dit.
Premier changement.
Peur.


La Jalouse. 

"I'm really sweet, but I'm also like an Evil Bitch too".

J'ai vingt-quatre ans depuis quatre mois. Je suis à une période de ma vie où les changements ne me font plus peur. J'ai trop déménagé, changé de ville, voire de pays pour quelques mois, années ou jours. Mais ces changements rythment ma vie, je ne m'en séparerais pour rien au monde.

Je suis un peu jalouse, vous vous en seriez douté, mais je me soigne. Je ne porte plus de lunettes depuis que j'ai une frange. Chose qui est, accessoirement, l'un des plus chouettes changements de ma vie.  J'aime écouter et enregistrer les voix des gens : sur mon téléphone, c'est tout ce à quoi me sert le mode "enregistrer son". Des gens qui chantent, des gens qui parlent, des gens qui rient, leur silence.
Je bois du thé par litres. Je collectionne des choses, comme mes cahiers/classeurs de français de la maternelle à la terminale, les rouges à lèvres, les appareils photos argentiques, les livres, les bouts de papiers remplis de mots écrits à la va-vite. Des choses parfois inutiles, mais que j'affectionne de manière irrationnelle.

Ici, je collectionne mes mots, et les images, voire mes images. Des bouts de vie, des morceaux de souvenirs. Il ne faut pas y parler trop fort, parce que ça chuchote les rêves de voyage, les espoirs de retour à Lyon. Ca raconte des bouts de vie, des morceaux de souvenirs. C'est un carnet 2.0.

J’espère que vous vous y sentirez chez vous.

La Jalouse. 


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