Le choix.

Ma tête bouillonne, un peu : je sens que le temps s'échappe et glisse et file sous mes doigts, que je ne contrôle plus rien, plus du tout, plus du tout et qu'il y a un peu d'angoisse panique dans ma volonté de remonter l'aiguille de quelque heures, quelque jours, quelque semaines. Donner du répit à mon cœur, à ce déménagement qui m'attend, à cette ville qui bouillonne autant que le sang dans mon corps. Il ne me reste que quelque heures dans cette ville, que quelque heures avant le départ, le petit départ, avant le grand.
La Suisse attend ma venue, et avec elle, c'est tout mon espoir qui attend un renouveau, un moyen de repartir à zéro, quelqu'un, quelque chose, et qui désespère, aussi, d'un signe, un geste, un regard, un mot.

Il fait très chaud aujourd'hui, et ma valise est bouclée. Il y a pleins de poches, dans cette valise. Ce paquetage. Putain, putain, putain, est-ce que c'est possible de tout arrêter, de changer les décisions et de raisonner la déraison ? Dans les poches j'ai mis les sous-vêtements et les livres des envies. Des livres qui parlent de tout sauf d'amour impossible et de passion déraisonnables. On s'est aimé si fort, si fort, trop fort. Je ne peux pas lire des mots que j'aurais pu écrire, des sentiments qui me donnent envie d'hurler et de taper contre les murs. Je crois qu'on s'est aimé pour une vie entière en quelque années. Je l'ai haï pour une vie entière, aussi. Il y a des miettes de pain sur la table et une bouteille d'eau posée à côté de la valise. Je me sens tellement démunie : ma vie se résume à cette valise. Je me sens comme une autre personne. Je laisse quelqu'un derrière moi, dans mes meubles, dans mon lit, dans ma vaisselle, avec mon chat et l'amour de lui. Et c'est quelqu'un d'autre qui n'est pas encore tout à fait moi, quelqu'un que je ne connais pas encore très bien, que je n'ai pas apprivoisé, que je n'ai pas encore découvert qui va partir loin de cette ville, de cette vie, et de l'amour de lui. Je m'attaches rarement les cheveux, en ce moment. J'aime les sentir sur mes épaules. Ils n'avaient pas été si longs depuis les trois dernières années. Après la Suisse, je les couperai, un tout petit peu. Je fermerai les yeux quand les ciseaux heurteront mes mèches brunes. Je dirai ensuite que c'est trop court et que je préférais encore les garder longs. Je ne suis jamais d'accord avec moi-même.
Après la Suisse, je finirai les cartons, et je déménagerai dans cette ville qui m'a donné ma chance. Dans cette capitale de France, de cœur, d'âme. Dans cette ville d’espérance. Le journalisme me tend les bras. Et je m'y jette dedans avec envie. Avec envie et impatience. Je ne suis toujours pas d'accord avec moi-même.  Hier, j'ai pleuré ces gens qui font ma vie depuis deux ans. J'ai raconté des choses à voix basses au téléphone. Putain, putain, putain. Comme si je pouvais réveiller quelqu'un dans ce grand appartement presque vide. Il y a Satie dans mon cerveau qui tourne, comme une bande sonore à un film que je n'ai pas encore tourné.


Je l'appellerai "Le départ", si je voulais rester dans ce passé absurde. Mais c'est "Le choix".

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