Il fait nuit à dix-huit heures depuis deux jours.


18h, c'est la nuit. La nuit partout. Qui se cogne à mes envies. Il n'y a plus d'ennuis dans cette vie.
Deux mois que je suis installée à Paris. Ou plutôt que j'erre à Paris. Que je m'installe à Paris. Que je connais les stations de métros qui vont de mon endroit temporaire à mon travail temporaire. Mes pas me mènent tous les jours vers le travail, mais me ramènent le soir où j'ai posé mes valises. Mes valises que je n'ai pas défaites. J'ai perdu l'habitude de parler de l'aimant. Je parle de l'ami, parfois. Plus jamais de l'amant. De temps en temps, il m'arrive quelque chose d’extraordinaire : je traverse une rue et trouve un endroit qu'on aurait aimé. J'écris un article dont je suis fière, j'aimerais lui envoyer. Et puis je me retiens. Nous ne sommes plus.  J'apprécie l'endroit pour moi, j'y retournerai, j'apprécierai autant. Je me félicite d'apprécier mon travail, de ne pas vraiment avoir besoin de son approbation.  Je l'ai serré dans mes bras sur un quai de gare, il y deux mois. J'ai mis mon nez dans son cou, et j'ai embrassé sa joue. J'ai dévoré ses yeux moqueurs, j'ai dévoré son sourire, et cette étreinte. Trois minutes sur un quai de gare et j'ai grimpé dans ce train qui m'emmenait.  Mon adieu personnel à l'amireux était très réussi. Je n'aurais pas pu demander mieux. J'avais écrit un adieu similaire. Un court-métrage, il y a six ans déjà. Elle s’appelait Alice et il s’appelait Etienne.

Depuis que je suis partie en Suisse pour le petit départ avant le grand, je vis dans mes valises. Deux énormes paquetages. C'est dérangeant de se dire que rien de ce que j'ai laissé derrière me manque. Tout ce dont j'ai besoin est là. Les photos regroupées sur un ordinateur qui s'épuise de conserver des souvenirs à ma place. Les messages de la vie d'avant dans un téléphone auquel je ne prends plus le temps de vraiment répondre. Et les mots qui valsent et dansent dans ma tête à longueur de journée. Je travaille. Beaucoup. Je me noie dans cet amoncellement de mots qu'on me demande d'écrire et qui ne parlent pas de moi ni de la vie d'avant. J'ai rencontré des gens. Un garçon, surtout. Un comme je n'en rencontrerai plus, parce que c'était lui. Parce que c'était nous. Et que c'était là. Sans doute qu'ailleurs, ça ne marchait pas. Je ne le reverrai plus avant l'été prochain. Et à ce moment là, nous serons déjà tellement différents.

Maintenant, je descends quatre étages de ce minuscule appartement où j'ai réfugié mes espoirs et je prends un velo. Je roule et roule et roule jusqu'à ce que je n'en puisse plus de recevoir Paris dans les yeux et le cœur toute la journée. J'aime cette nouvelle vie. Je regrette parfois celle d'avant. D'avant il y a deux mois. Mais dans deux mois : je n'y penserai plus. 

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