Février est le mois le plus court, heureusement

15:24




Il y a des ratures plein mes carnets. Les listes-des-choses-à-faire s'allongent et n'en finissent plus. Je pense que c'est l'année des vingt-cinq ans et qu'elle me fait sans doute plus peur que celle des vingt-quatre. Je n'aurai plus le droit aux réductions SNCF, plus le droit aux réductions étudiantes, plus le droit à tout ce qui faisait encore de moi une adulescente. C'était bien, pourtant, la prépa folle, à dévaler la pente du boulevard Victor Hugo pour courir du lycée au travail et du travail aux soirées avec "les gonzs" et des soirées à mon lit. Et de m'écrouler de fatigue, avec le sourire aux lèvres de vivre aussi intensément. C'était bien, pourtant, l'université à Lyon, les couloirs bondés de monde, les conférences d'histoire de l'Art, la collocation à trois, puis quatre, puis deux, puis plus, et le garçon aux chaussettes blanches, et les discussions en italien-espagnol autour d'une bouteille de rhum. C'était bien, pourtant, le temps de Cap Martin, l'insouciance de nos vingt-ans, à courir pour attraper les trains, les talons dans une main, une cigarette dans l'autre, à jouer à l'équilibriste sur une bouteille de tequila.

Je lis le recueil de poèmes que maman m'a offert un jour. Ou plutôt,  je dévore. Sur la seconde de couverture, il y a sa dédicace à l'encre bleue, avec son écriture qui ressemble tellement à celle de grand-mère. L'encre s'efface un peu. Je devrais la recouvrir de plastique, pour qu'elle demeure encore un peu. Et partout dans le livre, il y a mes marques à moi. Un cœur, sur "Liberté", de Paul Eluard. Je n'ai pas rempli le cœur, mais je l'ai dessiné d'une traite. Les premiers vers de "La nuit" sont entourés. Les derniers aussi. Pourquoi ? Je ne me souviens pas. Ça avait l'air important, mais j'oublie toujours les pensées fragiles. Les pages de "Barbara" sont cornées et même un peu déchirées. Il a toujours été mon préféré. Sur la page de "l'Adieu", d'Apollinaire, il y a le début d'un poème que j'ai proprement raturé à la règle et au crayon gris-gras. Il faut que je relise Paroles, maintenant. 

Et puis il y a l'habitude qui s'installe. La routine établie. Le rythme de la semaine, l'attente du weekend, le manque de sommeil, le manque de temps, le travail qui prend toutes les miettes de minutes que je laisse filer. L'amoureux dessine des formes sur mes cuisses. Je laisse faire, je laisse dire, je laisse tranquille ma machine à pensée. Profiter de la simplicité de la confiance. 
Hiver. Cannes. Froid. Écharpe. Manteaux. Isola. Neige. Baume à lèvres. Frange. Pas frange. Douceur. Pull.Thé. Cigarettes. Boum, la voiture. Câlins. Cœur. Cris. Des listes. Gants. D'autres listes. Aller-retours. Draps. Chaleur. Tricoti-tricota.
Janvier s'en va comme il est venu.
Viens, Février. 



La photo, ce sont les envies Pinterest. 

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