C'est du brouillard, pas des larmes.

02:24


Je regarde les gens pressés passer avec la distance des gens qu'on ignore. Je me sens si différente et pourtant si semblable à celle que j'étais. Le retour dans le sud se fait progressivement. Comme si j'avais encore un pied dans chaque ville visitée. J'y ai laissé un bout d'âme, un peu d'espoir et quelque galets. J'ai des frissons dès que je bouge un doigt, ou qu'une mèche de cheveux vient caresser ma nuque. Je ronronne au soleil timide en soufflant sur mon thé pour qu'il refroidisse plus vite. Il a beaucoup plu ces derniers temps. Les arbres sont encore un peu noirs dans les rues et les mimosas sont tous sombres. Jaunes sales.
Je me sens comme la flamme à lunettes de Mathias Malzieu : "Je n'y vois que du feu en quelque pas seulement, je peux me perdre loin, si loin dans ma rue et même que je n'ose plus, regarder le soleil, ni regarder le ciel droit dans les yeux". 
J'ai perdu cet homme, que je pensais invincible, qui était tout juste un homme, qui venait d'avoir 22 ans. Je l'imaginais toujours là, malgré mes colères et ses inconstances. Malgré la dispute de la fin de notre amitié il y a une année déjà. Il n'y aura plus jamais de disputes, maintenant qu'il m'a laissée derrière avec mes incompréhensions et mes regrets. J'ai envoyé trente mails à un homme qui était déjà mort. Lorsque je l'ai compris, mon cœur s'est brisé à un endroit que je ne connaissais pas. Peut-être qu'il aurait répondu. Peut-être. J'ai beaucoup regardé l'avis de décès un peu parce que je pensais qu'il finirait par s'effacer si je le fixais longtemps. Je l'ai trouvé d'un mauvais goût atroce. Il aurait détesté. J'ai donc fait la seule chose que j'aurais pensé qu'il veuille de moi, et j'ai bu des shots de tequila avec du citron trop acidulé en écoutant La traviata. En chantant très fort, très fort pour qu'il m'entende même à l'autre bout de la mort. Il aurait détesté aussi, ai-je conclu. Chacun ses hommages.
J'aimerais revenir en arrière, m’asseoir sur le lit de Nîmes avec Pauline et Lara, des biscottes au beurre au bout des doigts et écouter encore leur craintes et nos espoirs. C'était il y a une vie déjà. Ou deux. J'ai l'impression d'espionner mes propres souvenirs. J'ai peur d'avoir 24 ans, j'ai peur du noir, j'ai peur de lui, j'ai peur de tout. Je vois des changements chez mes parents. Des signes de la vieillesse qui arrive, qui s'insinue là, entre leur peau et le cœur. Je ne sais pas qui je suis sans eux. J'y pense encore et encore jusqu'à avoir du chagrin d'avance qui coule sur les joues.
J'ai parlé de tout à l'aimant. L'ami. L'ancien amant. Et je me suis étonnée de la manière avec laquelle nous sommes passés de la passion à l'amitié sereine. Huit mois à Paris auront été, j'imagine, la principale raison de la facilité de la transition. J'imagine que c'est mieux Ailleurs alors que, Paris me l'a prouvé, ce n'est pas le cas. Je me sens comme deux personnes enfermées dans ce corps près d'éclater.  Je mets du rouge sur les lèvres et je souris. C'est l'hiver. Le froid. Les mains dans les gants, les gants dans les poches. L'écharpe autour du cou et du Palpitant.
C'est le temps du Printemps. 

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