Paléo Festival et autres histoires.


Paleo. 5 jours de soleil sur 5 semaines. De la boue, des tranchées, un froid de novembre, des vêtements qui ne sèchent pas, trois paires de bottes usées jusqu'à la mort, et de la flotte à n'en plus voir le bout. Mais de belles rencontres. Des gens forts. Des gens si différents de moi. Des gens étranges et des gens beaux. De belles personnes. Il y a eu les retrouvailles, les fous rires. Des "il est sept heures et quart, et il fait beau dehors" lancés à la cantonade par un Lui charmant et joueur. Partage d'une douche. Partage d'un verre. Partage d'une discussion. Partage d'un bout de lit. C'est étrange cette distance qu'on met entre nous, même quand nos corps se frôlent sans jamais se rejoindre vraiment. Juste par principe. De précaution ou de peur. Partage d'un bout de vie. Merci. On me vole les couvertures et j'ai froid. Puis je me serre et je n'ai plus jamais froid. Ce sont les souvenirs passion.
Cet endroit où j'ai vécu pendant un mois a réveillé en moi des envies de road trip et de photos de paysages que je ne connais pas déjà. Les portraits que j'y ai fait me rendent nostalgique. Me donnent envie de poursuivre. De tenter. D'approfondir. De jouer avec l'objectif : l'année prochaine, je m'y attelle sérieusement. J'ai envie de tout photographier, de tout me souvenir, surtout les belles choses. Il y a eu des cuites mémorables, et des mots, de pleins de mains différentes, sur une enveloppe pour pouvoir dire : Electro'bien c't'équipe, et à l'année prochaine.

Nice. Avec M. Il y a du vent comme jamais. C'est chaud et lourd. Insoutenable. Le soleil brûle la peau qui craquelle sous la sécheresse. Il y a du vent chaud du sud comme on n'en avait pas eu depuis longtemps. Qui assèche la bouche et fait plisser les yeux, les empêche de s'ouvrir grand. Qui s'infiltre partout dans les ruelles et jusque sous les ponts en faisant des hurlements de fantômes. Alors on se regarde comme des chinois et on rit, perchés sur les hauteurs du Mont Boron. On pense à ceux du bout du monde et ceux du bout de la France. On rit. Parce qu'ils nous manquent et qu'on ne se rend pas bien compte que, ça y est, le festival est terminé, et que même si on se voit dans la vraie vie, il faut retourner à la vie réelle. Celle où on dit que ce qu'il se passe à Paléo reste à Paléo, et qu'on essaie de s'en convaincre. Le ciel est bleu de mille façons. Et la terre a cette couleur rouge volcan des pierres de l'Azur. La mer brille, ondule, chavire et tangue. On mange de la socca du bout des doigts, en rajoutant plein de poivre par dessus. Ça croustille sous les assauts des mâchoires. On chante par dessus les gens au karaoké. On se fiche de savoir que ça ennuie celui qui chante l'Italiano. On dort sur un matelas, coincé entre deux canapés. On court pour le train. On a chaud. On va tremper les pieds dans la mer en descendant du train. Une, deux, trois marches et plouf. Les sandales mouillées-sablées. On mange du poulet rôti, avec les pommes de terre qui baignent dans le jus, les tomates avec le filet d'huile d'olive-otigan-comme-maman-avant et on écoute la bande originale des Chansons d'Amour. C'était la dernière semaine.

Désormais je passerai devant la mer sans la voir. Ou avec nostalgie. Jusqu'à la neige. Ou la saison chaude suivante. Adieu, l'été.


La Jalouse. 




Photo : Feu d'artifice de fin de festival au staff electro. 

En Juin, pars loin.

























Ça cogne dans les oreilles, dans les tympans, dans le crâne. Ça rebondit sur les cordes vocales et ça vient s'écraser contre les poumons.  La musique est trop forte et la radio crie "I try, I try to never answer your calls, I try to play the girl who can live alone, I've tried to pick you out and dump you off twice..." Ça me parle assez.

Les jambes s'impatientent, je n'en dors plus la nuit. C'est un syndrome, parait-il. Je n'y crois pas. Je pense que c'est le corps entier qui s'impatiente de savoir la suite et qui m'empêche de dormir pour ralentir le temps qui passe. Mais on ne peut pas. On ne peut pas. Il y a presqu'un an, maintenant, les mains bouclaient les valises. Je ne les ai pas posées, ni vidées, ni rangées depuis. Il faut maintenant décider du retour et de la fuite encore. La fuite toujours.



Avec L., on va à la piscine, et on rigole en se faisant des grimaces sous l'eau. Comme à cinq ans. On nage et plus on nage, plus j'oublie le temps qui passe et qui me rapproche de ma propre indécision. Et puis on se moque de ce garçon qui fait une longueur. Sort. Se rince. Plonge. Fait une longueur. Sort. Etc... Inlassablement. Avec ses jolis abdominaux et ses cheveux mi-longs qui dégoulinent d'eau chlorée.
Mon maillot est le même qu'une dame qui fait le double de moi. Et pourtant, je fais déjà le double de L. C'est drôle, les proportions. Je fais la planche et je ne sens plus le poids, ni rien du tout, en fait, sauf l'eau qui essaie de me noyer par la bouche et le nez, parfois.  Et puis on ressort épuisée de là, comme si on avait couru des heures.

Avec maman, on mange des sushis; je conduis et ça la rend fière. Et je rigole parce qu'elle est toujours la même qu'il y a dix ans, quand on parlait anglais dans les magasins pour ne pas que les vendeuses viennent nous ennuyer. Avec une adorable ride ou deux de plus.  Et je pars travailler tôt. Le soleil se lève à peine. Tout le monde dort encore dans la maison alors j'écoute le silence en regardant la télé muette, avec mon verre de citronnade.


Et pour l'été : des couchers de soleil sur le staff electro. Des rires. Des concerts. Des rires sous les tentes. De la sapinette dans mon verre. Du yoga. De la boue jusqu'aux genoux. De la fondue en alpages. De la chaleur à n'en plus pouvoir bouger. Des sourires. Des coups de soleil au bord du lac, à Nyon. Des robes et des robes à faire tourner sous le soleil de Suisse. Et l'amant retrouvé.



La Jalouse. 

Et chavire, le Cœur.

Et chavire le Cœur, de toutes ces émotions en pagaille qui ne s'arrêtent pas d'affluer et de refluer, comme la marée, mais en plus intense, en plus rapide, en moins agaçant de tranquillité. C'est comme la tempête, et la flotte qui vient se fracasser contre les rochers des digues, le long des ports, le long des côtes, le long de mes côtes. Crac, le cœur qui fait de la place, le cœur qui se vide, doucement, qui déverse le trop plein de l'océan des sentiments. Les trois petits tours et puis du vent, l'hiver passé, viens l'été.
Cric, fait la cage thoracique qui, doucement, soigne ses blessures, soigne les assauts du palpitants qui l'ont fragilisé toutes ces années.

Et chavire, le Cœur, qui se casse la gueule, qui panse l'humiliation et la déraison. Et chante, la voix qui se dit que finalement, ce n'est pas si mal. La voix dans le micro qui se tord dans les fils, et ressort là bas, dans les oreilles de tout ce monde amassé juste pour venir voir, juste pour entendre les sentiments d'avant qui ne seront plus et qui sont si beaux, pourtant. De jolis souvenirs. Ce n'est pas si mal. Là, sur la terrasse, le verre de vin et la cigarette. Là, les amis qui rient, et qui rient à s'en érailler la voix, et qui mettent du baume sur les cicatrices du Cœur perdu/retrouvé.

Et chavire, le Cœur, de tant de générosité, de tant de passion, de tant de rêve. Et s'étouffent, les Poumons, de ne savoir respirer assez vite pour tout vivre, tout rire, tout entendre, tout voir, tout comprendre. Là, maintenant, pendant qu'il est encore tôt, ou pas tard.

Il reste de la place, maintenant que le Cœur se remet ?

Après tout, le ciel peut bien attendre.



Peut-on parler d'un premier amour ? Vraiment. Pour de bon ?  En ai-je vraiment eu un premier ? Chaque amour est différent. Chaque amour est donc le premier de son type. Est-ce qu'il y a un vrai premier amour ? Est-ce que ça veut dire que les autres sont faux ? J'ai eu si peu et pourtant tellement de premiers amours. Je n'aime jamais de la même manière. N'accepte jamais les même choses. Je ne veux jamais les mêmes choses. Je n'ai jamais besoin des mêmes choses. Ce n'est jamais pareil.
Est-ce que le premier, c'est le premier qui a fait battre l'organe palpitant plus fort ?

Il parait qu'on n'aime jamais aussi fort que le premier. Pourtant, j'ai lâché les barrières, lâché les rires, lâché les baisers, lâché les "je t'aime", lâché les voiles chaque fois un peu plus, chaque fois avec plus de pertes et de fracas. C'est trop grand. Trop fort. Trop insoutenable pour mon petit coeur. Je ne pense pas qu'il puisse rester de la place, là dedans. Je pense qu'on a tout dévoré. Et ce dernier amour. Putain, putain, putain. J'ai paniqué, j'ai cru exploser, j'ai cru qu'il me brûlait chaque fois qu'on se touchait. Je l'ai aimé. Incroyablement fort et incroyablement douloureusement. Et un jour, on a dit qu'on s'était perdus. Qu'on n'y arrivait pas. Que ça nous dépassait, tout ça. Qu'on devait faire nos vies ailleurs. Que peut-être un jour, même heure, même endroit, on serait à nouveau. Mais que là, c'était brisé, cassé. Douleur. Séparation. Semi-oubli.

Je crois qu'en fait, il était le premier. Mais qu'est ce que ça fait du premier ?

Et maintenant ?
Maintenant que j'ai aimé si fort. Est-ce que j'aimerai autant ?

J'étouffe et des cris. Enfin je crois.


J'ai peur des silences et pourtant, il y en a partout dans ces mots que je ne dis pas. Ceux qui sont cachés entre les majuscules et les points virgules. J'ai un problème avec le silence. Il hante. Parfois, je le vis très mal. Comme s'il pesait sur mon existence, sur mon cœur, et sur ma trachée. Parfois, il vrombit dans mes oreilles, comme le soir quand je m'allonge dans mon lit, vide, seule, avec le silence autour de moi. Quand je chuchote pour ne pas réveiller des gens qui ne sont pas là. Il siffle. Il n'est jamais ni tout à fait là, ni tout à fait absent. J'ai aussi tout un travail à faire sur la respiration. Pourtant, je suis incapable de faire du yoga. Incapable de contrôler mes poumons qui se remplissent et se désemplissent comme un ballon de baudruche, de manière anarchique et désordonnée. J'ai toujours le souffle coupé par les choses, je suis toujours à bout de souffle, à bout de mots. Badaboum, fait la colère sur mes silences.

Quand j'étais petite, je m'amusais à coincer mes épaules sous l'échelle de la piscine pour ne pas remonter à la surface, et à attendre, les yeux grands ouverts, de sentir mes poumons brûler. Je voulais voir la limite. Sentir les soubresauts de ma cage thoracique qui demande l'air. Et l'impression étrange de silence qu'il y a sous l'eau. La respiration et le silence. Toujours. Maintenant, j'ai toujours peur d'arrêter de respirer. Parce que j'oublie, parfois. Je ne fais pas attention, je ne fais pas exprès. Je me rends compte soudain que je retiens ma respiration depuis peut-être quoi, une minute ? Et je panique. Et si ça m'arrivait pour toujours ? Je sanglote, souvent. Pas un sanglot de larmes, non. Les larmes viennent bien plus tard. Jamais en public. Ou du moins, pas les vraies larmes de tristesses. Les larmes d'émotions, elles, viennent comme elles veulent et s'installent là pour un mot, un geste, un regard, un dialogue. Je peux pleurer pour la même chose, le même mot, plusieurs fois d'affilées. Quand la maman de Bambi meurt. Devant les informations. Quand je raconte une histoire qui me touche. Quand je pense aux premiers amours. Quand j'entends Bjork chanter dans Dancer in The Dark. Mais je ne parle pas des larmes de sanglots. Je parle de cette secousse d'épaule, cette inspiration saccadée qui vient comme ça vient. La respiration et le silence.






Les obsessions partent vite et reviennent tard.

Voyage. Envie. Frange. Habitudes. Neige. Douceur. Ces choses. Obsessions. Pull. Écharpe autour du cou, autour du cœur. Séries. Thé. Cigarette. Films. Vin rouge. Cigarettes. Habitudes. Exactitudes. Certitudes. Révisions. Siège. Rétroviseurs. Ceinture. Livres. 352 mots. Atchoum. A tes souhaits. Mes souhaits. Je sais. Plurielle. Jalousie. Paris. Cannes. Loin. Brouillard. Garçonnière. L'appartement vide. Listes.
Les obsessions sont revenues.

C'est du brouillard, pas des larmes.


Je regarde les gens pressés passer avec la distance des gens qu'on ignore. Je me sens si différente et pourtant si semblable à celle que j'étais. Le retour dans le sud se fait progressivement. Comme si j'avais encore un pied dans chaque ville visitée. J'y ai laissé un bout d'âme, un peu d'espoir et quelque galets. J'ai des frissons dès que je bouge un doigt, ou qu'une mèche de cheveux vient caresser ma nuque. Je ronronne au soleil timide en soufflant sur mon thé pour qu'il refroidisse plus vite. Il a beaucoup plu ces derniers temps. Les arbres sont encore un peu noirs dans les rues et les mimosas sont tous sombres. Jaunes sales.
Je me sens comme la flamme à lunettes de Mathias Malzieu : "Je n'y vois que du feu en quelque pas seulement, je peux me perdre loin, si loin dans ma rue et même que je n'ose plus, regarder le soleil, ni regarder le ciel droit dans les yeux". 
J'ai perdu cet homme, que je pensais invincible, qui était tout juste un homme, qui venait d'avoir 22 ans. Je l'imaginais toujours là, malgré mes colères et ses inconstances. Malgré la dispute de la fin de notre amitié il y a une année déjà. Il n'y aura plus jamais de disputes, maintenant qu'il m'a laissée derrière avec mes incompréhensions et mes regrets. J'ai envoyé trente mails à un homme qui était déjà mort. Lorsque je l'ai compris, mon cœur s'est brisé à un endroit que je ne connaissais pas. Peut-être qu'il aurait répondu. Peut-être. J'ai beaucoup regardé l'avis de décès un peu parce que je pensais qu'il finirait par s'effacer si je le fixais longtemps. Je l'ai trouvé d'un mauvais goût atroce. Il aurait détesté. J'ai donc fait la seule chose que j'aurais pensé qu'il veuille de moi, et j'ai bu des shots de tequila avec du citron trop acidulé en écoutant La traviata. En chantant très fort, très fort pour qu'il m'entende même à l'autre bout de la mort. Il aurait détesté aussi, ai-je conclu. Chacun ses hommages.
J'aimerais revenir en arrière, m’asseoir sur le lit de Nîmes avec Pauline et Lara, des biscottes au beurre au bout des doigts et écouter encore leur craintes et nos espoirs. C'était il y a une vie déjà. Ou deux. J'ai l'impression d'espionner mes propres souvenirs. J'ai peur d'avoir 24 ans, j'ai peur du noir, j'ai peur de lui, j'ai peur de tout. Je vois des changements chez mes parents. Des signes de la vieillesse qui arrive, qui s'insinue là, entre leur peau et le cœur. Je ne sais pas qui je suis sans eux. J'y pense encore et encore jusqu'à avoir du chagrin d'avance qui coule sur les joues.
J'ai parlé de tout à l'aimant. L'ami. L'ancien amant. Et je me suis étonnée de la manière avec laquelle nous sommes passés de la passion à l'amitié sereine. Huit mois à Paris auront été, j'imagine, la principale raison de la facilité de la transition. J'imagine que c'est mieux Ailleurs alors que, Paris me l'a prouvé, ce n'est pas le cas. Je me sens comme deux personnes enfermées dans ce corps près d'éclater.  Je mets du rouge sur les lèvres et je souris. C'est l'hiver. Le froid. Les mains dans les gants, les gants dans les poches. L'écharpe autour du cou et du Palpitant.
C'est le temps du Printemps. 

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